CAMEROON
The new locomotive of Western Africa






Report




Interview de

M. Claude JUIMO MONTHE,
Président de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines du Cameroun

Le 29 novembre 2000

Question 1: M. Monthe, avant que d’aller plus avant dans cet entretien pourriez-vous nous faire un bref historique de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines du Cameroun ?

Réponse 1: La Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines du Cameroun est une Institution très ancienne qui atteindra prochainement le cap des soixante dix années d’existence. Autant dire que c’est une des institutions phares dans le paysage économique du pays. Au moment de sa création sous la colonisation, celle-ci était essentiellement composée d’entreprises françaises qui représentait une partie importante des entreprises exerçant leurs activités au Cameroun. Le premier Président camerounais qui fut nommé à la tête de cette institution ne l’a été qu’en 1961.

La Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines est une chambre qui regroupe un certain nombre d’acteurs: des industriels et des entrepreneurs présents dans un nombre important de secteurs d’activités. Une partie importante de ces derniers prend une part considérable dans la mise en forme et en action de la restructuration qui est en cours dans le pays et qui vise à adapter l’économie camerounaise aux conditions économiques existantes dans un espace mondial globalisé: a savoir l’exigence de transparence et de bonne gouvernance qui incombe au gouvernement et s’applique aux diverses institutions et entreprises exerçant leur activité dans notre pays. Avant que ne s’achève cette restructuration et jusqu à aujourd’hui, la moitié des membres de la chambre étaient élus. Très prochainement ce sont l’ensemble de ses membres qui seront ainsi élus, ce qui donnera à cette institution une assise et une légitimité accrue avec la totalité de ses membres élus, le Président y compris.

La restructuration est ainsi en bonne voie et devrait être achevée dans les douze mois à venir. Par la suite, lorsque le processus électif aura suivi son cours et qu’il aura permis de constituer une assemblée avec un collège de membres élus, il sera alors temps de s’intéresser à des questions telles que celle de son budget de fonctionnement, qui sera quant à lui totalement autonome par rapport à l’Etat. Ce sont ainsi les membres nouvellement élus, de concert avec les partenaires économiques de la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines qui décideront du nouveau taux de contribution qui sera établit afin d’œuvrer dans le sens des missions et des fonctions qui ont été assigné à cette institution.

Q. 2: Quelles sont ces missions essentielles qui sont assignées à la Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines.

R. 2: La Chambre de Commerce, d’Industrie et des Mines du Cameroun est organisée sur le mode des chambres latines. Il existe en fait deux types d’écoles: le mode anglo-saxon et le mode latin. Cela signifie pour être concret que nous sommes une institution qui ne se contente pas seulement d’assurer un service public mais qui a également la charge de gérer un certain nombre d’infrastructures. Nous avons notamment dans la zone portuaire 24 000 M2 d’entrepôts dont nous assurons la gestion, nous avons également un certain nombre de participation dans le capital d’entreprises et de structures de la place, c’est le cas notamment s’agissant d’entreprises financières. Une banque qui s’occupe du financement et de la gestion des bilans des petites et moyennes Entreprises (PME).

Nous essayons naturellement dans le champ des missions de service public qui nous ont été assigné d’assurer l’information continue des opérateurs et de contribuer également à la formation de ces opérateurs, en leur donnant notamment l’information pertinente pour qu’ils puissent déployer leur activité dans les secteurs qui peuvent les intéresser, et surtout de servir de courroie de transmission entre l’Etat et ses derniers, de façon à connaître leurs doléances. A chaque fois que l’Etat veut connaître leur point de vue sur un problème spécifique: il interroge la Chambre qui s’adresse à ses adhérents, et de la même manière, dès lors que les adhérents ont un problème particulier à soumettre aux pouvoirs publics la Chambre est l’instance de transmission qui opère la relation entre l’Etat et ces derniers.

Q. 3: Suite à l’accentuation claire du processus de libéralisation de l’économie camerounaise, orientation perçue par nombre d’observateurs internationaux comme étant une infirmation tout à fait heureuse et sensible de la politique gouvernementale du pays, pouvez-vous nous dire quels sont vos objectifs et quelles sont les orientations que vous comptez donner rapidement et assez clairement au niveau de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Cameroun ?

R. 3: Je souhaite d’abord faire aboutir entièrement la réforme qui est en train d’être mise en œuvre pour aller vers une démocratisation de l’Institution qui soit totale, et disposer, comme je vous l’ai dit, d’un collège composant l’assemblée plénière de la Chambre qui soit entièrement élu et dont la légitimité soit alors véritable et reconnue comme telle par leurs pairs: tous les opérateurs économiques en activité dans le pays. Ensuite, il importera de faire en sorte que la chambre soit autonome sur le plan financier et qu’elle ne dépende en aucun cas de quelque institution ou structure que ce soit tant pour son fonctionnement que pour sa gestion courante. Il faudra également que des mécanismes soient établis qui permette à la Chambre de répondre de l’utilisation des fonds qui auront ainsi été dégagé. Donc: transparence totale dans la gestion. Je souhaite enfin redéployer la Chambre sur des grands chantiers de ce début de millénaire. Un de ces grands chantiers c’est l’information. Comme vous le savez, l’émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication a totalement bouleversé la donne. Il s’agit d’avoir une Chambre de Commerce qui puisse utiliser ces mécanismes et ces différents leviers pour entraîner les opérateurs économiques du Cameroun qui sont dans un pays en voie de développement, et qui tentent de rattraper le retard qui peut exister sur ce plan. Nous avons ainsi par exemple prévu d’organiser en février 2001 un grand salon sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication qui se tiendra à Yaoundé. Nous sommes dans le même temps entrain de mettre en place un Centre de Formation Economique et Commerciale, avec un fichier recensant toutes les entreprises opérant dans le pays qui comportera un certain nombre de connexions Internet, ce qui permettra nécessairement aux opérateurs de pouvoir venir chercher l’information par le biais des moyens les plus modernes. Notre souhait est de permettre que de telles opérations puissent être reproduites partout dans le pays: aussi bien dans l’arrière pays que dans les zones enclavées. Il ne doit pas s’agir de possibilités et de dispositifs uniquement accessibles pour les villes et les citadins mais au contraire de telles possibilités doivent être à la portée du plus grand nombre, même dans les zones les plus retirées. Ces technologies doivent permettre aux opérateurs économiques, aux étudiants et à certaines personnes de la société civile de pouvoir accéder à l’information de manière efficace et utile. Je souhaite enfin permettre à la Chambre d’être un lieu de débats où sont débattus les grands problèmes de ce début de millénaire: il s’agit bien évidemment entre autre de la place qui doit être celle du secteur privé dans le développement. Comme vous le savez le Cameroun est un pays sous ajustement structurel. Nous sommes à la fin d’un programme et au début d’un autre. Les Institutions de Bretton Woods, de Washington, du Fonds Monétaire International et de la Banque Mondiale souhaitent ainsi voir le secteur privé impliqué au côté de l’Etat dans les projets de développement. Il est important pour ne pas dire salutaire que la contribution de ce secteur privé soit effective, et qu’il ne soit pas seulement question d’une présence de façade: il est important que ce secteur privé soit formé, imprégné par les missions qui lui incombent dans une société en plein développement afin d’être un des moteurs de la croissance et de développer à son tour des solutions innovantes. Je crois savoir que, que ce soit au niveau des pouvoirs publics ou des Institutions multilatérales que cette volonté d’association est réelle. Mais notre secteur privé pour apporter sa contribution efficace se doit aussi de faire des efforts et de prolonger ceux-ci dans le temps et la durée.

Il y a un nombre d’autres fronts et de luttes qui restent à mener et qu’il nous appartient de vaincre pareillement, au premier rang desquels les luttes qui sont engagées contre la corruption ou encore tout ce qui vise à établir et instituer une meilleure gouvernance. La nécessité existe aussi de faire en sorte que dans le secteur privé les comportements soient nécessairement plus citoyen. Je crois que la Chambre de Commerce est l’endroit tout indiqué pour que ces débats aient lieu. Quant aux opérateurs économiques ils nous revient de déterminer de manière absolument claire et réaliste ce que devrait et devra être notre comportement à l’avenir, sans errer ou tomber bien sur dans des extrêmes. Il s’agira donc de déterminer le niveau de comportement qui soit compatible avec les objectifs et les ambitions qui sont les nôtres.

Q. 4: Vous savez que nous représentons les intérêts d’investisseurs qui ne connaissent pour ainsi dire que très peu le Cameroun, voir qui ne le connaissent pas du tout, pouvez-vous nous donner un aperçu du secteur privé au Cameroun et de ses caractères fondamentaux ?


R. 4: Je dirais que le secteur privé camerounais, à la différence d'un certain nombre de secteurs privés africains, a la particularité de regrouper beaucoup d'opérateurs économiques camerounais. Ce qui est en soi une particularité assez rare et remarquable. Il existe au Cameroun un sens de l'entreprenariat qui est très développé. Bien sûr cet entreprenariat est en voie d'évolution puisque le pays demeure dans la phase traditionnelle de formation du capital. Les premières activités étaient plutôt les activités de commerce, de négoce, et cet entreprenariat évolue de plus en plus vers l'industrie et les services. Vous verrez qu'il y a depuis une dizaine d'années un certain nombre de banques, de compagnies d'assurances, qui sont à capitaux totalement camerounais.

Nous sommes donc en présence d’un secteur privé qui est à la recherche d'un certain nombre de partenariat, et qui voudrait monter des « joint venture » avec des opérateurs étrangers souhaitant investir ici. Je crois pour ma part que c'est un avantage, a mon sens il est toujours difficile pour un investisseur d’arriver dans un pays ou il n'y a pas une culture entreprenariale ou il n'existe en fait pas de culture des affaires. Dans un tel contexte, ce n’est alors, la plupart de temps, qu’un dialogue de sourds qui se met en place. Surtout, pendant la phase de globalisation et de mondialisation qui souffle sur l’économie mondiale, je crois que les opérateurs économiques camerounais ont bien compris, (après le choc de la dévaluation qui a eu lieu en 1994 et suite également à la réforme fiscale et douanière dont l’effet immédiat a été de supprimer un certain nombre de protections tarifaires et non tarifaires qui donnaient le sentiment d'évoluer sur un marché protégé), qu'il y avait un défit sur le terrain, celui d'augmenter la compétitivité afin d’être en mesure de se déployer à l’étranger et sur les autres marchés.

Pour ce faire ils sont demandeurs de partenariats, de joint venture, de façon à pouvoir eux aussi s’intéresser aux différentes opportunités qui existent localement: processus de privatisation entre autre. Donc, c'est un secteur privé qui est constitué par des opérateurs qui ont plusieurs profiles: vous avez d’une part des opérateurs de la première heure qui sont des autodidactes ayant développé un savoir-faire et une expérience énormes, fruit d’une quarantaine voir d’une cinquantaine année de travail sur le terrain. Vous avez d’autre part, de plus en plus de managers qui ont été formé dans des écoles de commerce les plus « up to date » qui décident aussi de se lancer à leur propre compte, parce qu'il existe justement cette culture de prise de risque. C'est un secteur privé enfin, qui est confronté à un certain nombre de difficultés: difficultés d'accès aux capitaux, difficultés d'accès parfois à la sous région ( la sous région Afrique Centrale), car le Cameroun devrait avoir une vocation naturelle encore plus forte à se déployer, difficulté également pour transmettre l'image que l’on souhaiterait donner du Cameroun par opposition a celle que certains médias ont pu véhiculer.

Q. 5: Il est vrai que le Cameroun est un des pays africains où le plus de nationaux sont à la tête d’entreprises et de sociétés dont les capitaux soient camerounais. Même si la question est un peu délicate pourriez-vous nous donner une idée en fait des secteurs dans lequel vous souhaiteriez que se fassent les prochains grands investissements qui seront opérés au Cameroun, du fait de leur propension à contribuer plus fortement au développement à long terme du pays.

R. 5: Ecoutez, je dirais avant tout pour évoquer ce qui concerne l’actualité immédiate ou néanmoins imminente de l’économie camerounaise que les processus les plus importants en cours restent les processus de privatisation. De ces derniers et de leur bon fonctionnement, qui est une des conditions sine qua non de la mise en place d’une croissance à la hauteur de nos attentes, dépend en partie l’avenir immédiat du climat d’affaire au Cameroun. Il en va de l’intérêt bien compris de toute l’économie camerounaise que se soient les entreprises les plus performantes de leur métier respectif qui puissent prétendre à la reprise des entreprises que l'Etat camerounais est en passe de privatiser. Ce qui permettrait notamment de bénéficier des dernières technologies et qui permettrait ainsi de faire un saut quantique absolument indispensable. Il est bon et souhaitable que ces entreprises en venant puissent, ma foi, développer des partenariats à la fois avec des actionnaires qui soient des entrepreneurs camerounais qui sont capitales et à la fois mettre en place des politiques pour développer et permettre la création d'entreprises de sous-traitance.
Car en fait la plupart de ces entreprises à privatiser demanderont des investissements importants, tant pour leur remise à niveau, que pour leur seul développement. Ce qui génère concrètement beaucoup de travail au niveau de la sous-traitance. Prenons par exemple le secteur de l'énergie, où vous avez des entreprises qui sont considérables au plan mondial et qui s’intéressent aux opportunités qui peuvent exister au Cameroun. C’est notamment le cas d’Electricité de France, mais aussi d’AES qui est une des entreprises leader sur son marché originel américain. Cette représentation importante de compagnies pour emporter des marchés déterminants pour la qualité de la vie et de l’économie au Cameroun est, preuve en est cette compétition en cours aujourd’hui s’agissant de certaines privatisations, je crois, une bonne chose.

Il y a le secteur des Mines qui représente un potentiel important au Cameroun. Je crois que beaucoup d'entreprises occidentales, américaines, australiennes ou encore canadiennes se sont déployées en Afrique de l'Ouest. Le secteur des Mines au Cameroun, et même, je dirais, dans la sous-région d'Afrique Centrale, est resté très peu exploité en dehors du secteur pétrolier. Les gisements de fer, le manganèse... il y a beaucoup de possibilités à ce niveau. D’ailleurs, le code minier est en ce moment entrain d'être réactualisé pour devenir véritablement être attractif. C’est là encore un secteur où il existe, je crois, d’excellentes opportunités d'investissements.

D’autre part, comme vous le savez, le Cameroun a été éligible à l’A.G.O.A.( à savoir: l’African Global Opportunity Act): ce qui implique encore dans le cadre de ce programme la possibilité d'identifier un certain nombre de produits qui pourraient être manufacturés en Afrique. En particulier tous ceux qui consomment beaucoup de main d'œuvre, et qui pourraient évidemment profiter des possibilités importantes qui existent ici. Nous avons des hommes bien formés, compétents. Les coûts de production, même s’ils pouvaient être améliorés, n’en sont pas moins très attractifs et sont loin d’être excessifs. Dans tous les cas de figures, ces derniers devraient supporter après les différents processus de privatisation assez aisément la comparaison avec les taux de rentabilité et les coûts de production que l’on peut rencontrer ailleurs. Ceci devrait permettre à des industries occidentales de se délocaliser pour pouvoir produire ici et exporter, notamment aux Etats-Unis qui ont un marché très important.

Je finirais en évoquant un secteur qui me tient particulièrement à cœur: il s’agit de celui qui a trait à toutes les nouvelles technologies. Nous avons des écoles d'ingénieurs ici, qui forment des ingénieurs très compétents et très motivés. Je crois que le salon que nous tiendrons en février sera une opportunité, et c'est d’ailleurs une de nos motivations importantes: de véritablement mettre en exergue un savoir-faire local.
Il est question entre autre que soient primées un certain nombre de Start up, à l'échelle du Cameroun bien entendu. Je crois qu’en matière de délocalisation, quand on observe notamment ce qui se passe en Inde, et notamment dans l'état de Bangalore, où de nombreux travaux sont réalisés exigeant surtout de nombreuses heures de travail plus qu'un véritable travail de créativité, et où les délocalisations sont massives, on ne peut s’empêcher de penser que tels processus de délocalisations seraient parfaitement adaptables au contexte africain. Il est important que ceci se fasse aussi avec des pays comme le Cameroun. Ceci permettra entre autre de créer les conditions de l'émergence de telles firmes sur le plan intérieur, qui par la suite pourront et devront apporter leur savoir-faire et leur connaissance dans le pays. Tous ces éléments doivent permettre de mettre en route ce chantier qui est un chantier universel. Internet et les nouvelles technologies, voilà un secteur qui demande que les sommes totales investies soient considérables ; mais c'est ainsi l'occasion de permettre à certains pays africains restés en marge de refaire une partie de leur handicap.
Q. 6: On a vu récemment en fait la réunion entre le Canada et le Cameroun, ce genre de conférence est assez intéressant. Est-ce que vous pouvez nous dire si vous avez des difficultés à essayer de rendre ce genre d’échéances plus fréquentes ; Et quels sont les autres champs que vous souhaitez ouvrir pour justement faciliter les liens entre les investisseurs étrangers et les nationaux.

R. 6: Effectivement ce Forum Canada Cameroun a été l'occasion de pouvoir mettre en contact les opérateurs camerounais et les opérateurs canadiens et de faire connaître aux uns et aux autres les opportunités qui pouvaient exister. Je voudrais dire ici que la qualité de nos collaborateurs en interne me donne entière satisfaction. Il y a un certain nombre de chantiers sur lequel ils de déploient: notamment le chantier du pipeline Tchad-Cameroun pour lequel la Chambre de Commerce est entrain de mettre sur pied une unité de veille. Celle ci aura vocation à s'assurer, à la fois, que les entreprises camerounaises seront bien parties prenantes dans chantier, qui est le plus gros actuellement en Afrique Sud-Saharienne; pour ne pas dire le plus important sur tout le continent. Il est important, il est essentiel que les entreprises camerounaises puissent travailler afin de gagner en expertise d’abord et, d’autre part afin d’augmenter évidemment leur activité et donc leur chiffre d’affaire. Il est souhaitable pour cela que ne soient pas mis en branle les réflexes classiques de protection ou de quotas réservés aux uns et aux autres. Donc, la Chambre de Commerce par le biais de cette cellule qu’elle a mise en place développe des programmes qui auront vocation à améliorer la qualité de performance de ces petites et moyennes entreprises. Il y a des exigences de qualité, de sécurité, de respect des délais, d'organisation. La Chambre de Commerce va essayer d'accompagner toutes ces entreprises afin qu'elles puissent entrer en concurrence dans des conditions saines, et qu'elles puissent prétendre à pouvoir travailler dans un climat d’affaire porteur.

Si l’on s’intéresse maintenant a un autre chantier, nous pouvons évoquer l’un de ceux sur lesquels nous travaillons en ce moment: Celui avec le Japon, qui concerne la possibilité dans le cadre du T.I.C.A.D., qui est un accord existant entre les pays asiatiques et les pays africains favorisant l’interconnexion entre les sociétés des deux continents, sous l'égide du PNUD (programme des Nations Unies pour le Développement). Il s’agit là des raisonnements de quelques technocrates qui se sont dit: l'Asie et l'Afrique étaient pratiquement au même niveau de développement il y a quarante ans, l'Asie a pu s'en sortir, peut-être y a-t-il des choses qui peuvent servir en terme d'expérience à l'Afrique. Un programme a donc été mis sur pied pour rapprocher les opérateurs africains et les opérateurs asiatiques, ainsi que pour développer les partenariats et augmenter l’importance des échanges et des flux commerciaux entre ces deux régions du monde. Dans ce cadre nous essayons de mettre sur pieds des programmes permettant d'identifier les entreprises camerounaises ayant des capacités suffisantes pour pouvoir bénéficier d'une expérience ou d’un contact avec les entreprises asiatiques. Nous avons aussi approché un certain nombre de missions, notamment le PNUD, l’ONUDI (Organisation des Nations Unies pour le Développement Commercial) pour travailler sur des problèmes touchant aux questions actuelles qui sont essentielles pour les entreprises aujourd'hui. Il s’agit par exemple des questions de normalisation. C'est un point de plus en plus important et tout ce qui est capacité à répondre à toutes ces normes, par exemple la norme ISO. Pour être clair: je crois que dans les quelques années à venir, les entreprises qui ne seront pas capables de pouvoir répondre à ces exigences de normes, seront de facto exclues des échanges. Il y a un travail important que nous faisons pour sur ce point. Nous faisons aussi un travail important pour permettre aux entreprises de prendre conscience des exigences qui concerne le respect de la propriété intellectuelle puisque très souvent dans les pays du tiers monde existe cette impression qu'on peut imiter ce qui se fait ailleurs sans que cela n’ait trop de conséquence. Donc, il est important que le plus rapidement possible ce genre de notions soient parfaitement assimilées et bien comprises. Maintenant ne surtout pas ignorer la réciproque: il y a aussi un savoir-faire, des idées, des concepts, si ce n’est des brevets qui viennent d'ici et qui doivent disposer de ces mêmes moyens de défense, parce que là aussi on a vu des cas où des concepts dans le tiers monde parce qu'ils n'avaient pas été suffisamment protégés avaient tout simplement été repris ailleurs.

Donc voici globalement les chantiers sur lesquels nous aurons à travailler.

Q. 7: Combien avez-vous de partenaires, de collaborateurs, et qu'est-ce qui ferait évoluer l’institution dans un sens encore plus favorable, au niveau de ses implantations dans le pays.


R. 7: Je réponds à cette question en commençant par le nombre de délégations que nous avons. Comme vous le savez la Chambre de Commerce se trouve à Douala. Nous avons une délégation à Yaoundé qui est la capitale politique, à Garoua qui se trouve dans la partie septentrionale, à Bamenda, à Limbe dans la région anglophone et ainsi qu'à Bafoussam.

Cette situation est idéale: elle nous donne une force, puisqu’elle nous permet si vous voulez que notre action ne soit pas centrée sur les deux principales métropoles que sont Yaoundé et Douala. Nous avons une capacité à générer des actions qui vont jusqu'à l'intérieur du pays, et à comprendre et saisir la problématique à laquelle sont confrontés les entrepreneurs dans ces zones. Il est évident aujourd'hui qu'il y a un besoin important qui s'exprime, ce besoin aujourd'hui c'est que beaucoup d'opérateurs souhaiteraient que chacune des métropoles provinciales puisse avoir une délégation de la chambre de commerce. Il y en a dix, et donc nous sommes présents dans six de ces métropoles, il en reste quatre à pourvoir. A ce jour nous avons 120 collaborateurs: donc il est évident que nous avons trois contraintes: la première contrainte c'est de garder notre vocation généraliste, puisque nous allons du petit vendeur au détail jusqu'à l'industriel le plus important. Je pense que c'est très bon parce que cela crée un environnement à la fois démocratique et où les échanges se font, chacun profitant de l'expérience des autres et puis toutes ces personnes ayant en commun le fait d'entreprendre quelle que soit la taille de l'entreprise. Il est bon de garder cette dimension universelle mais à côté de cela la dimension universelle serait renforcée par une présence dans toutes les autres villes. Je pense à Bertoua dans l'Est, je pense à une ville comme Kribi dans le Sud où il y a des projets de port en eaux profondes, où également le projet du pipeline va certainement modifier la donne régionale ; Je pense à une ville comme Maroua qui est un carrefour d'échanges très important avec le Tchad, et, le Tchad se développant, qui va le devenir encore plus, la plupart de ces flux passeront par le Cameroun. Les opérateurs camerounais sont bien positionnés pour saisir ces opportunités.

Donc: exigence de garder la dimension universelle et généraliste, mais en même temps exigence de spécialisation. Nous ne pouvons pas effectuer les travaux et les chantiers évoqués plus haut sans être performant dans le champ des technologies de pointe, sans avoir des collaborateurs qui aient un profil très pointu. Très pointu parce qu'il ne s'agit pas simplement de faire ce qui a été fait ailleurs, si l’on veut accompagner les opérateurs sur ce chemin, il est indispensable que nous disposions de ces compétences en interne, là où nous faisons aujourd’hui appel à nombre de consultants en externes.
Troisième point: il est important dans un environnement comme le nôtre, quand je dis « le nôtre » je parle du tiers monde où le flux des statistiques reste très mesuré et contrôlé, car il n’est certainement pas la chose qui est la plus développée. Vous êtes forcément confrontés à ces difficultés comme journalistes, vous devez contrôler des chiffres, après avoir réussi à les obtenir, et obtenir les chiffres ici c'est très difficile. Les sources sont multiples et variées et le niveau de fiabilité laisse parfois à désirer. Donc, là aussi nous avons mis sur pied un observatoire économique, nous avons un certain nombre de collaborateurs, je pense à Monsieur Yemeni, qui sont statisticiens de formation. Il faudrait pouvoir y associer des économistes, il faudrait pouvoir travailler avec l'ambition de toucher à toutes ces données. Mais être en tous les cas en mesure d’avoir des données qui concerneraient l’ensemble de notre environnement économique et qui présenteraient un niveau de fiabilité extrême. Ce qui nécessite une réforme pour que les processus de création et de disparition des entreprises soient centralisés à la Chambre de Commerce ou ailleurs, ce qui requiert un suivi par monitoring des entreprises. Il y a d'ailleurs un projet qui est en cours qui aurait vocation à engager un recensement général et large de toutes les entreprises existantes. Et ce projet sera domicilié à la Chambre de Commerce. Tout ceci devrait nous permettre d'avoir une bonne vue des entreprises camerounaises et de pouvoir répondre aux sollicitations extérieures et de pouvoir aussi affilier les programmes qui se sont mis en place pour venir en aide a ces entreprises.

Q. 8: Pouvez-vous nous donner une idée des éléments existants qui vont dans le sens de la mise en place d’un contexte économique attractif dans le pays, quelles sont les initiatives les plus remarquables en faveur des investisseurs étrangers pour favoriser leur établissement au Cameroun.

R. 8: Très brièvement, je citerais simplement l'environnement juridique OHADA qui a pour mérite de sécuriser tout ce qui se fait comme investissement étranger. Quant un investisseur étranger se présente, faut-il qu'il ait la garantie que son investissement ne subira pas de variations qu’il ne serait pas légitime qu’il supporte. Ce cadre juridique est d’ailleurs propre à un certain nombre de pays d'Afrique.

Vous avez aussi tous les efforts de libéralisation et d'ouverture de l'économie qui à mon avis créent les conditions pour que les opérateurs étrangers puissent s'implanter. On a créé un guichet unique pour faciliter les opérations douanières et maritimes, on est en pleine restructuration du code des investissements qui devrait rapidement se traduire par un allégement de la procédure de la création d'entreprise et d'obtention des différents avantages. Il y a la zone franche qui est aussi en pleine restructuration pour permettre aux entreprises de s'implanter et de travailler. Celles qui exportent de façon significative et qui requiert de bonnes conditions, j’évoquais plus haut l’A.G.O.A., pourront alors venir s’installer dans la zone franche pour exporter aux Etats-Unis. Pour finir, je dirais simplement qu'il y a un effort très important de professionnalisation de la main d'œuvre qui est en cours. Le code du travail a été revu en l’allégeant et en donnant aujourd'hui à mon sens à l'employeur, à l’investisseur une position confortable. Ainsi il y a un effort qui est fait pour que la formation soit de plus en plus professionnel et de moins en moins aléatoire et corresponde aux besoins du marché. Il y a aujourd’hui véritablement un dialogue entre les pouvoirs publics et le secteur privé qui s’institutionnalise et qui permet de résoudre les problèmes qui surviennent au fur et à mesure, à tout le moins de les connaître et d'essayer de les résoudre.

Q. 9: M. Monthe, vous-êtes un homme d'affaire, vous êtes à la tête de la Chambre de Commerce, vous êtes également un homme très médiatique dont les médias parlent souvent à l’occasion de divers évènements, nous aimerions savoir quel est en fait le parcours de M. Monthe et puis plus personnellement qu’attendez-vous de ce 3ème millénaire.

R. 9: Bien mon parcours est très simple, je suis né au Cameroun, je suis parti jeune en France particulièrement où j'ai fait mes études secondaires. Je suis revenu au Cameroun où j'ai travaillé un peu avec mon père qui avait contribué à créer notre groupe familial. Ensuite j'ai fait un Masters au Canada, car je me destinais initialement a des études scientifiques. En réalité quant je suis revenu j’ai préparé des concours pour accéder aux écoles d’ingénieurs, mais n’ayant pas eu le concours que je souhaitais j'ai préféré voir la réalité sur le terrain. J'ai découvert les affaires, le monde des affaires, je me rendais compte que cela me plaisait bien et que ce côté initiative, capacité à engager des choses, à imaginer, à créer, à trouver une solution, m’intéressais vraiment. Par la suite je suis reparti faire ce Master et puis je suis revenu. J'ai pris la tête du group familial après la disparition de mon Père, il y a de cela 14 ans aujourd'hui, et puis j'ai essayé de travailler en ajustant un peu le profile du groupe, parce que je pensais à des opportunités ou à l'évolution de l’économie du Cameroun. C'est un groupe qui s'était bâti à l'image du cheminement de ces fondateurs en étant un peu partout, en étant varié: il a fallu du temps, trouver des nouveaux métiers, en abandonner certains. Enfin je retiens de mon expérience récente la reprise avec des actionnaires belges de la société agro-industriel SOCAPALM, précisément dans le secteur des plantations de palmiers à huile. Cela fait 4 mois que nous sommes dans les murs de cette maison et nous sommes encore entrain d’adapter la structure et d’analyser les conditions d’un fonctionnement optimum. Voilà mon parcours jusqu'à aujourd'hui, avec simplement mon arrivée à la Chambre de Commerce il y a 2 ans.

Q. 10: Qu'est-ce que nous attendons simplement du 3ème millénaire ?

R. 10: Simplement, ma foi, je parle ici en tant qu’africain, j’ai l’impression qu’il y a une lucarne de tir qui s’est créée et qu’un certain nombre d'opportunités se présentent du fait des nouvelles technologies. Vous avez aujourd'hui la possibilité de transmettre le savoir à des gens qui sont dans les zones les plus reculées, sans que l'Etat n'ait plus à investir de manière massive. Vous avez des universités virtuelles qui peuvent permettre aux jeunes à l'extrême nord là-bas à Kousserie, qui autrement n'auraient jamais eu l'occasion de pouvoir venir tout simplement à Yaoundé ou à Ngaoundéré pour se rendre dans ces universités. Avec une politique bien pensée, on peut arriver à donner l'information, à délivrer de l’information à des coûts qui soient véritablement supportables pour l'Etat. Et donc le savoir d'une certaine façon se démocratise. C'est un peu pour moi, toute proportion gardée, la même révolution que celle de la découverte de l’imprimerie par Gutenberg qui a permis de sortir le savoir de ces temples, de ces lieux, de ces religions pour le mettre à la portée de tous. Je pense qu'Internet aujourd'hui aura cet effet, ce sera véritablement de porter toute la connaissance à un moment donné de l'humanité, de la mettre à la disposition de tous ceux qui pourraient souhaiter véritablement se l'approprier. Et je pense que l'Afrique ici peut refaire une partie de son handicap et son retard sur ce point. Prenez l’exemple de l’Inde: quand je vois l'Inde et quand vous voyez que la plupart des principales sociétés représentant les 500 plus grandes fortunes du secteur des nouvelles technologies ont entre 20 et 30 % de leur employés qui sont d'origine indienne, vous constatez que ce chiffre est incroyable. Ce n'était pas imaginable il y a simplement dix ans. Il y a donc ici un savoir-faire qui peur permettre de refaire ou néanmoins de rattraper une partie de notre retard.

Dans le même ordre d'idée, vous avez des avancées telles que le téléphone cellulaire qui permettent de « by-passer » un tant soit peu toutes les contraintes. Il est évident que s'il fallait que l'Etat dégage des moyens et des ressources pour parvenir à mettre des lignes téléphoniques et un téléphone à la disposition de chacun et sur toute l’étendue du territoire le coût serait absolument prohibitif. Nonobstant le fait qu’avec la prise en compte de données telles que le pouvoir d’achat des usagers ces infrastructures lourdes ne pourraient même pas fonctionner. Donc vous avez ici la possibilité avec ses nouvelles technologies, cellulaire et autres technologies qui arrivent, de permettre une communication vraiment efficace.

Enfin vous avez aujourd'hui des techniques financières, tous ces mécanismes qui permettent de mettre des concessionnaires privés qui investissent et qui se remboursent par la mise en place de leur activité, qui permettent de pouvoir substituer un certain nombre d'investissements en infrastructures, au lieu que l'Etat y concentre ses ressources, il peut alors se consacrer à d’autres secteurs et à d’autres types d’investissements.
Je crois qu'en faisant un usage judicieux de tous ces différents éléments et en essayant de profiter de tous les allégements de dettes qui se profilent à l'horizon, et qui d'une manière où d'une autre, devront se faire à partir du moment où nos Etats auront atteint des niveaux de gouvernance qui soient corrects, notre continent devrait pouvoir redresser la tête. Je ne vois pas pourquoi nous devrions continuer à tourner en rond avec une dette qui n'est pas remboursée. Tous ces facteurs m’amènent à croire véritablement que ce 3ème millénaire devrait être pour nous l'occasion de saisir ces opportunités pour que l'on arrive enfin, sans que le niveau de développement soit celui des pays occidentaux, a sortir du niveau de pauvreté qui est le nôtre et permette que les différents êtres humains gagnent un peu en dignité, et que, ma foi, être pauvre ne signifie plus vivre dans la misère ou l'indigence, mais qu’être pauvre signifie simplement marcher deux ou trois kilomètres de plus que son vis à vis au pays parce qu'on a pas le même niveau de facilité relative, sachant que, ma foi, la compensation sera peut-être au jour le jour une qualité de vie et un environnement quotidien un peu plus sympathique.



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© World INvestment NEws, 2001. This is the electronic edition of the special country report on Cameroon published in Forbes Global Magazine, October 1st, 2001. Developed by Agencia E.